5 mai 1992 : Drame de Furiani
- Anthony Berthout
- 24 mars 2016
- 4 min de lecture

Ce 5 mai 1992, doit avoir lieu la demi-finale de la Coupe de France entre le SC Bastia et l’Olympique de Marseille. Pour doubler la capacité du stade de Furiani, les dirigeants du club bastiais souhaitent la mise en place d’une structure métallique passant ainsi de 9000 à 18000 places. Par conséquent, les dirigeants du club décident de raser la tribune Claude Papi (750 places) sans permis de construire. Cette démolition a lieu du 24 au 25 avril 1992, soit une dizaine de jours avant la rencontre.
La société « Sud-Tribunes » est en charge de la mise en place de cette tribune métallique. Cette société est habituée de ces travaux de grande envergure, lors de manifestations sportives. Le coût des travaux est estimé à un million de francs (150000 euros). Les travaux ont débuté le 28 avril 1992, soit une semaine avant la rencontre.
Le lendemain, le 29 avril, une première inspection des travaux est effectuée par la commission de sécurité. La Ligue corse de football donne, à la Fédération Française de Football, un avis favorable pour la tenue du match. Il s’agit, cependant, d’un faux puisque les membres de la commission ont émis des réserves mais les tickets sont tout de même mis en vente qui, contrairement à la loi, ne mentionnent aucun montant forfaitaire et sont vendus 75 % plus chers par rapport au quart de finale contre Nancy. Seuls 1,3 million de francs de recettes sont déclarés alors que cette recette est estimée à environ 4,5 millions de francs.
Veille de match. Les travaux ne sont toujours pas terminés. Lors d’une énième inspection, la commission de sécurité note, une nouvelle fois, un niveau de sécurité très insuffisante. Une ultime commission de sécurité a lieu alors que les portes du stade sont ouvertes au public. Henri Hurand, Préfet de Haute Corse, et Raymond le Deum, son directeur de cabinet, sont injoignables car ils sont en réception protocolaire de Bernard Tapie, Ministre de la Ville et président de l’Olympique de Marseille, et d’Emile Zuccarelli, Ministre des Postes et Télécommunications et maire de la ville de Bastia. Aucun fonctionnaire de la préfecture n’a été désigné pour présider la commission de sécurité alors que l’accord préfectoral est obligatoire. Ainsi, le match s’apprête à débuter en toute illégalité car sans accord valide de la commission de sécurité.
Jour de match. Le coup d’envoi est prévu à 20h30. A 19h, plusieurs responsables inquiets car la tribune métallique bouge. Les employés de Sud Tribunes se pressent pour revisser les boulons défaits. Un quart d’heure avant le coup d’envoi, le speaker demande aux supporters, pour des raisons de sécurité, de « ne pas taper des pieds sur les parties métalliques de la tribune » mais il n’est pas écouté. Cinq minutes plus tard, la tribune s’effondre alors que Thierry Roland et Jean-Michel Larqué allaient prendre l’antenne, sur TF1, pour la retransmission du match. Les spectateurs font alors une chute d’une quinzaine de mètres, envahissent le terrain pour fuir la tribune effondrée, passent devant les caméras de télévision pour rassurer leurs proches. Les unités du SAMU prévues pour le match prennent en charge les premiers blessés mais vont vite être débordés. A 21h, l’ordre d’évacuer le stade est donné pour faciliter le travail des secours. Une demi-heure plus tard, les hélicoptères de la sécurité civile se posent sur le terrain pour évacuer les blessés. Le plan rouge est déclenché à 22h. Un premier bilan fait état de 50 blessés et d’un mort. Les secours rencontrent des difficultés dans l’évacuation des victimes du fait de la faible accessibilité du Stade de Furiani, coincé entre une voie ferrée et la lagune. Les blessés sont évacués vers les aéroports de Nice et de Marseille puisque ceux de Corse sont saturés. Le bilan final est effroyable : 18 morts et 2357 blessés.
Après ce drame, les joueurs de l’Olympique de Marseille et du Sporting Club de Bastia ne souhaitent pas que le match soit joué ou rejoué. Michel Platini, sélectionneur de l’équipe de France, est du même avis. L’AS Monaco, par son président, exprime sa solidarité et ses condoléances alors que le club monégasque s’apprête à jouer la finale de la Coupe des Coupes. Une minute de silence est respectée avant la rencontre. Le weekend suivant le drame, une minute de silence est respectée avant les matchs de championnat de France de rugby. Le lendemain du drame, François Mittérand, président de la République, déclare que la France est solidaire, lors d’une visite à l’hôpital de Bastia.
Cette tragédie porte de nombreuses conséquences sportives, judiciaires et dans l’organisation de manifestations sportives. Tout d’abord, sportivement, cette édition de la Coupe de France ne verra pas de finale disputée. Ainsi, l’AS Monaco, déjà qualifiée pour la finale avant le drame, hérite de la place pour disputer de la Coupe des Coupes. En 2012, lors du 20e anniversaire du drame de Furiani, la LFP et la FFF décident qu’aucun match ne se déroulera le 5 mai 2012. Ainsi, les matchs de la 36e journée de Ligue 1 sont décalés au lundi 7 mai. Juridiquement, l’instruction est close le 4 janvier 1993 mais le procès ne s’ouvre que le 23 avril 1993. Le procès en appel, quant à lui, a lieu le 16 octobre 1995. En première instance, huit condamnations sont prononcées dont 6 à des peines de prison fermes de 12 à 24 mois. En appel, six condamnations avec des peines de prison avec sursis sont prononcées. Quatre personnes sont relaxées. Des amendes sont aussi prononcées. Dérisoires compte tenu de la gravité du drame et des conséquences physiques et psychologiques des victimes. Enfin, dans l’organisation de manifestations sportives, le Ministère de la Jeunesse et des Sports modifie les règles d’homologation des enceintes destinées à recevoir des manifestations ouvertes au public. Ainsi, une loi régit les équipements de plein air de plus de 3000 spectateurs et couverts de plus de 500 spectateurs.
Un collectif souhaite que la journée du 5 mai soit une journée sans football. Un souhait, pour le moment, non exaucé par les instances du football français.
Vidéo #1 - JT France 3 du 06/05/1992 (jusqu'à 16 min 47)
Vidéo #2 - Droit de savoir (partie 1 - diffusé sur TF1)
Vidéo #3 - Droit de savoir (partie 2 - diffusé sur TF1)
Comentários